DéFormater !

La newsletter qui explore les formes de narration. Je n’aime pas les textes formatés par les algorithmes. Je converse ici avec les vraies gens qui racontent des histoires. Avec l'Intelligence humaine.

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Par Valérie Van Oost
1 oct. · 6 mn à lire
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Frapper d’une seule voix (écrire et être seul en scène)

Au programme : un seul en scène documentaire et une question autour du prince charmant.

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LA CONVERSATION

Frapper d’une seule voix ! 

À la première représentation de S.D.F, Sans désir fixe, j’ai été bluffée par la présence de Marjorie Philibert et sa liberté à assumer un seul en scène sur un texte aussi puissant que difficile. L’histoire qu’elle a écrite est celle de Josse, une femme qui vit dans la rue après avoir fui son domicile et des violences conjugales.
J’ai retrouvé Marjorie lors d’une répétition au Palais de la Femme pour parler dramaturgie, écriture d’un seul en scène et sens de la démarche artistique. Installées au bien nommé café La Belle Équipe, nous avons conversé, avec Aznavour en fond sonore (Marjorie a eu bien du mal à se retenir de chanter. Parce que j’ai chanté avec elle, à un moment, l’enregistrement de la rencontre est placé sous scellé).

Le chant et une certaine poésie ponctuent ton spectacle, mais c’est un sujet difficile. Pourquoi as-tu choisi d’aborder ce thème ?

J’ai été bénévole au fil de la vie auprès des sans-abris, notamment des femmes, j’ai animé une chorale à la cité des Dames, centre d’hébergement de l’Armée du Salut. C’était beau de voir qu’autour du chant ces femmes se sont pacifiées, harmonisées, ont partagé un moment de bien-être et de répit loin de leurs histoires sordides. Dormir dehors, seule, sur un trottoir, dans l’indifférence, est, pour moi, une des plus grandes misères et injustices du monde.
Depuis des années, j’avais l’envie d’écrire une histoire à jouer sur scène. Je me suis formée auprès de Christophe Botti [dramaturge, scénariste et metteur en scène] sur l‘écriture dramaturgique. L’histoire est née à ce moment-là dans les locaux d’une école municipale, à Paris.

L’idée d’écrire sur une femme qui vit dans la rue a précédé le choix de faire un seul en scène ?

J’ai toujours été choquée et révoltée de voir des sans-abris, des gens dormir par terre. Ça m’effraie, je me dis que la frontière entre la raison et la folie est fine, que ça peut arriver à tout le monde. J’ai rencontré un ingénieur qui s’est retrouvé à la rue, une clerc de notaire aussi, sur laquelle j’avais fait un reportage radio. Assez naturellement, en écrivant l’histoire, l’idée d’incarner Josse, cette femme SDF, s’est imposée et, de fait, le seul en scène aussi. Je ne suis pas comédienne professionnelle, j’ai fait du théâtre, je joue avec une troupe d’improvisation, je chante régulièrement, la scène m’est familière et plutôt énergisante !
Au départ, il y avait un deuxième personnage que je n’ai pas gardé. Il s’agissait d’un homme qui apportait, la nuit, des bouteilles de vin illustres à Josse et lui faisait danser le tango. Et puis, je me suis aperçue que c’était trop romancé. J’avais envie de quelque chose de cru, d’être au plus près de la réalité. Une journaliste m’a dit que mon travail s’apparentait au théâtre documentaire. 

Dans le travail d’écriture, c’est surtout le réalisme et le sens qui t’intéressent ?

J’ai pris énormément de plaisir à écrire, à voir les mots se dessiner et apparaître comme sur un tableau. Mais le texte doit être porteur de sens. Si je continue, et j’ai envie de continuer, il y aura sûrement un message, une cause à défendre. Et puis, il y a la dimension thérapeutique de l’écriture bien sûr. C’est un texte dans lequel j’ai mis une part de moi, comme une couleur profonde du tableau, que j’ai mélangé à l’univers de la grande précarité, de l’horreur du monde, pour dénoncer aussi les violences faites aux femmes et aux enfants. Autre révolte. C’est un texte que j’ai écrit bien avant #MeToo. Si ce spectacle pouvait aussi encourager la solidarité envers les sans-abris. Il faut beaucoup de courage pour vivre cela...

Tu évoques aussi la construction de la femme destinée à attendre le prince charmant… 

Moi, j’ai vraiment entendu « ma fille, pour être heureuse, fais un beau mariage ». Avec quelques touches de vécu, je voulais aborder le rôle déterminant de l’éducation dans la construction ou la destruction de la vie d’un enfant.

Le seul en scène est souvent un spectacle d’humour, il y avait ce pari-là aussi…

Je ne me suis pas posé trop de questions sur l’adéquation sujet et forme de narration. Et puis, si le sujet est difficile, le ton est caustique, souvent ! La gravité existe dans les seuls en scène. Eva Rami, Molière du meilleur seul en scène avec Va Aimer, dénonce la pédophilie en partant de sa propre histoire. J’ai la chance d’avoir rencontré un metteur en scène extraordinaire, Jérôme Méla, qui m’accompagne dans cette aventure avec tout son talent. 

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