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Par Valérie Van Oost
3 avr. · 6 mn à lire
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Cinéma : quand la musique est bonne…

Au programme : ce que la musique raconte d’un film, un mystère shakespearien et une histoire d’eau.

Bonjour,

Merci d’ouvrir ma newsletter ! Dans cette édition, on ne parle pas que de la musique des mots. 🎶

LA CONVERSATION

Quand la musique est bonne… 

Avez-vous vu l’adaptation télé de La Peste au mois de mars ? Une interprétation post-Covid et dystopique du roman d’Albert Camus. De mon côté, plus que la regarder, j’ai voulu l’écouter. J’avais prévu de rencontrer Maïdi Roth qui en a composé la musique, avec son acolyte depuis 20 ans Franck Pilant. Dans le studio de Maïdi, nous avons discuté de ce que la musique raconte, entourées d’instruments, d’écrans et d’affiches de cinéma. 

C’est un peu mon laboratoire ici. J’habite au-dessus, je peux descendre en pyjama si j’ai une idée à 3h du matin ! Cette spontanéité est hyper précieuse, parce qu’on ne sait jamais trop quand viennent les bonnes idées… [Elle remonte d’ailleurs chercher des sachets d’un thé à la rose et c’est une délicieuse idée.] 

A quel moment, tu entres dans l’histoire du film ?

Au début, j’attendais d’avoir les images pour composer. Je me suis vite aperçue qu’elles te mettent dans un moule. Avec Franck, qui a la même démarche, on compose en lisant le scénario. À ce moment-là, on rêve le film comme quand on lit un livre. La musique prend la dimension de cet imaginaire. Puis, les rushes arrivent, on pose les musiques sur les images. Et là, ça marche… ou pas !

Tu peux repartir de zéro ?

Tu te plantes vraiment si ton imaginaire a complètement débordé l’histoire et le propos du film. Mais, si ça marche, tu apportes une dimension supplémentaire, une histoire de l’histoire, ce que ne dit pas le film.

La musique raconte une histoire différente ou parallèle ?

Avec la musique, on n’est pas dans ce qu’il se passe, on est dans l’intimité d’un personnage, dans son imaginaire et dans ses intentions. Plus le personnage est caractérisé, plus la musique va être riche. Je peux avoir une scène de bataille napoléonienne et mettre un air d’opéra, quelque chose de lyrique, peut-être même de très gai alors que des milliers de mecs meurent sous nos yeux. Mais, à travers cet air, je vais montrer le point de vue du réalisateur qui veut dire que Napoléon jouissait de ses batailles. La musique de film ne s’attache pas à ce qu’on voit, mais à la trajectoire des personnages.

C’est donc ta perception de l’intériorité des personnages, pas celle du scénariste ou du réalisateur ?

C’est ma façon de travailler, ce n’est pas forcément celle d’autres compositeurs. J’aime être seule avec le scénario pour faire une proposition au réalisateur qui ne soit pas forcément sa vision. Si ma vision lui apporte quelque chose, il va s’en emparer. Sinon, je vais vite le sentir, je vais l’interroger sur sa vision et la rejoindre. Mais je me laisse d’abord une chance d’aller chercher des choses inattendues auxquelles lui-même n’a peut-être pas pensé. 

Comment as-tu travaillé sur le personnage du Docteur Rieux, le héros de La Peste ?

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