DéFormater !

La newsletter qui explore les formes de narration. Je n’aime pas les textes formatés par les algorithmes. Je converse ici avec les vraies gens qui racontent des histoires. Avec l'Intelligence humaine.

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Par Valérie Van Oost
5 mars · 6 mn à lire
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Une photo vaut mille mots ?

Au programme : comment raconter une histoire en photos, un documentaire qui vous embarque et une histoire d’amour.

Bonjour,

Bienvenue dans ma newsletter. Je déteste cette expression « Une photo vaut mille mots ». Les photos parlent-elles d’elles-mêmes ? Comment construit-on une histoire en images ? Ce sont des questions qui m’ont donné envie de converser avec Sylvain Demange.

LA CONVERSATION

Photographier pour raconter 

J’ai découvert les photos de Sylvain avant de le rencontrer. Des images fortes de personnes en parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP). Il avait réussi à saisir l’attente, l’absence et le maelström des sentiments. Son éditrice m’a demandé de rédiger les témoignages qui accompagnent son enquête photographique publiée le 1er mars dans La chambre bleue. Avant la sortie du livre, je l’ai retrouvé chez Leica, rue Boissy d’Anglas, pour échanger sur la construction de ses récits en images.

Tu travailles sur des sujets de société au long cours, ton enquête sur l’AMP a duré 7 ans. Tu t’empares tout de suite du point de vue que tu vas apporter ?

Pour Cadets Coulisses [sur le Cadet’ Circus, plus grand cirque amateur de France]au début, je voulais montrer ce qu’on ne peut pas voir. Puis, je me suis concentré sur la transmission des anciens vers les plus jeunes. Le choix du noir et blanc m’a paru logique. J’ai complètement oublié la couleur en découvrant les premières photos en noir et blanc. On m’a souvent interrogé sur ce choix. Le cirque, c’est très coloré, mais je ne voyais pas ce sujet en couleur. Moi, ce que je vois dans le cadre, c’est la composition, les gestes. Je suis très focalisé sur les gestes. Pour Comme on peut, le travail réalisé avec Fabrice Dekoninck sur les vestiges de la Première Guerre mondiale, on a su tout de suite qu’il fallait le faire en couleur. La mémoire d’un conflit, les tranchées, une charge émotionnelle forte, le noir et blanc c’était trop ! 

Sur l’AMP, je voulais adopter le point de vue des patients. J’essayais de me mettre, le plus possible, à leur place pendant les prises de vues. Quand je dis à leur place, c’est physiquement avec mon appareil photo, de me mettre à hauteur de leur regard et de leurs émotions. 

L’intention n’est donc pas toujours définie quand tu te lances dans le sujet ?

Avec Fabrice, au début, on n’était pas satisfait de ce qu’on faisait. On travaillait sur les traces de la Première Guerre, mais on avait des difficultés à trouver des lieux originaux et vraiment intéressants. C’est tellement étendu, dans la forêt, sur des hectares. C’était frustrant. On y allait toutes les saisons. A un moment, il y a eu de la neige. Ça a théâtralisé les lieux et donné photographiquement beaucoup de matière. Et puis, on a rencontré des gens qui connaissent la région comme leur poche et nous ont accompagnés sur différents sites. Le projet a vraiment pris forme quand on a commencé à faire des portraits, associés aux vestiges, aux paysages et aux extraits de Ceux de 14 de Maurice Genevoix.

En revanche, sur l’AMP, je savais précisément ce que je voulais, il ne restait plus qu’à photographier. Mais personne n’y croyait vraiment. On m’a dit que je n’allais pas avoir assez de matière parce que l’absence n’est pas photogénique. Je n’étais pas du tout d’accord. J’étais sûr de moi !

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