Au programme : une conversation sur l’écriture à l’ère de ChatGPT, un essai qui parle de ❤️ et d’algorithmes et un quizzzz !
Bonjour,
Bienvenue dans cette édition et en 2025 ! Je vous souhaite une année riche de conversations, de partages et de lectures (et la santé, le bonheur, tout ça, tout ça).
J’ai lancé DéFormater ! il y a un an, pour aller à la rencontre de ceux qui racontent des histoires en s’appuyant sur l’IH (l’intelligence humaine). Est-il utile de préciser qu’écrire et imaginer des histoires à l’ère de l’IA générative m’interroge ? Ces questions passionnent Laura Sibony, autrice de Fantasia - Contes et légendes de l’intelligence artificielle (Grasset). Nous avons partagé des muffins et un moment délicieux en parlant d’écriture et de génération de contenus, de littérature et d’algorithmes, du rapport à la création artistique et du Tinder du livre.
De nombreux essais et documents ont été publiés sur l'intelligence artificielle, mais, avec Fantasia vous proposez des pérégrinations littéraires autour des concepts et des coulisses de l’IA.
Ce sont des récits courts. J'aime beaucoup les styles fragmentaires. C'est un peu comme avoir en jazz un thème commun sur lequel on brode. L’IA était mon thème, mais j'avais envie de partir dans des petites impros. Je trouve que le genre fragmentaire correspond bien à des sujets qui ont autant de facettes que l'intelligence artificielle.
C’est aussi un style qui correspond bien à la période contemporaine. Le roman est moins pertinent dans une société de l’instant. Notre vie est très fragmentaire, on passe d’un truc à l’autre, on est capable de faire plus de choses en une journée parce qu’on voyage beaucoup, on rencontre plus de monde, on produit plus de données.
Comment utilisez-vous l'intelligence artificielle dans le travail d’écriture ?
J’essaie constamment de me former, car cela va très vite. En ce moment, j’utilise NotebookLM pour des recherches historiques et notamment pour croiser des parcours de personnages. Mon prochain roman se déroulera pendant la première guerre des Balkans, une période très compliquée. Elle a mis aux prises trois empires qui n'existent plus, avec un entremêlement de questions nationales, religieuses, ethniques. Pour savoir, par exemple, quand deux personnages ont pu se croiser, les sujets qu’ils auraient pu aborder, etc., c'est extrêmement pratique. Cela permet d'interroger une base documentaire que j'ai constituée moi-même. Cela ne me dit pas ce que faisaient mes personnages à cette époque, cela reste une fiction, mais pour la cohérence historique, c’est important.
Cela m’intéresse davantage pour tout ce qui est autour de l'écriture, au sens d’assembler les mots. C'est là que j'aimerais gagner en efficacité, en quantité de données à traiter et parce que ce ne sont pas forcément des choses que j'aime beaucoup faire.
L’information est vérifiée, sourcée sur les IA que vous utilisez ?
Non, elles hallucinent, il faut vérifier. Comme ce sont des questions précises, ce ne sont pas de grosses hallucinations. Il est beaucoup plus facile de vérifier quand on a lu la documentation, en tout cas, de repérer les gros problèmes. Je l'utilise vraiment comme assistant. On n’accorde pas, même à un assistant, une confiance aveugle, absolue, à 100% !
En revanche, vous ne l’utilisez pas pour écrire.
Ça n’aurait pas de sens. Ce n’est pas une question d'efficacité, en plus, les IA n’ont pas encore une efficacité formidable pour l'écriture créative. Même si c’était le cas, je ne l’utiliserais pas.
J'ai lu un post du fondateur du Studio Ghibli qui disait que l’IA était une aberration, une trahison de la vie elle-même. C'est un peu le cas lorsqu’on l'utilise pour faire ce que l'humain aime faire, sait faire, prend plaisir à faire.
Je pense à une vidéo qui avait été réalisée par Google en 2017 pour le 1er avril : « le cheese master ». C’était un poisson d'avril sur l’invention d’une machine à classer les fromages. En 2017, tout le monde riait de cette blague. En 2024, Google a dû déréférencer la vidéo, car trop de gens y croyaient. Ce qui semblait complètement fou en 2017 est aujourd’hui devenu du domaine du possible et banal. Cela montre que la conception, l'émerveillement, le recul critique que nous avions en 2017, nous ne l'avons plus du tout. On n’en est plus à se demander si nous avons besoin d'une machine à classer les fromages !
L’IA a apporté de grandes transformations dans le travail de rédaction ?
Beaucoup. J’avais entendu qu’il y a un nombre croissant de documents écrits par intelligence artificielle, notamment pour les médicaments, qui sont réalisés pour des questions d'assurance, pour avoir la bible de telle molécule, mais qui n’ont pas pour but d'être lus. Ils sont là pour exister et cela peut avoir un intérêt d'utiliser l'IA. Même si cela fait peser le risque d'une surenchère de production de contenus, qui va devenir un peu inquiétante, que personne ne lit, qui ne sont pas faits pour être lus.
Si j’interprète, on peut confier à l’IA des textes qui n’ont pas vocation à être lus !
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